Le 26 avril dernier, la cour d’appel de Riom a relaxé les éleveurs de porcs du Gaec de Roover, condamnés en première instance pour maltraitance envers leurs animaux et pratique systématique de la caudéctomie. Le Gaec de Roover avait écopé d’une amende ferme de 25 000 € et d’une autre avec sursis du même montant par le tribunal correctionnel de Moulins (Allier), le 6 avril 2022. Il avait aussi dû verser 1 000 € de dommages et intérêts à l’association L214 ainsi qu’à la SPA pour « préjudice moral » et 2 000 € supplémentaires pour frais de justice. L’élevage de 9 000 porcs au moment des faits avait alors vu ses contrats avec Herta et Carrefour suspendus de 2 à 5 mois. L’association L214 avait filmé l’intérieur de l’élevage et diffusé ses images sur le web pour montrer l’absence de mesures destinées à éviter les combats ou attaques entre porcs et les violences commises par du personnel non qualifié. Une enquête judiciaire avait été confiée à la gendarmerie ainsi qu’une enquête administrative à la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP).
Le Dr Anne Hémonic de l’Institut du porc citée comme témoin
Pour se défendre en appel, les éleveurs ont fait citer comme témoin : Anne Hémonic, vétérinaire et directrice du pôle « Techniques d’élevage » de l’Institut du Porc (Ifip). Elle a présenté la caudectomie comme « la technique la plus efficace pour éviter la caudophagie » (les morsures de queues entre cochons. « Plus de 95 % des porcs d’élevage sont soumis à cette pratique, a-t-elle souligné. Il s’agit d’une technique généralisée pouvant être considérée comme routinière dans la quasi-totalité des élevages en France » ajoutant qu’« aucune technique ne permet d’élever des porcs sans leur couper la queue ». « L’animal ressent une douleur vive mais très brève, la coupure étant instantanément cautérisée, a assuré la vétérinaire. La caudophagie est bien plus douloureuse et est susceptible de générer diverses pathologies. » Aussi l’avocat général a requis une peine minimale à l’égard des éleveurs estimant que l’arrêté ministériel du 16 janvier 2003 interdisant la caudectomie était de fait inapplicable. Au final, la cour d’appel de Riom a tranché : la caudéctomie « ne peut s’analyser que comme un mauvais traitement » mais il s’agit d’une « amputation causant une vive douleur pendant un instant » et cette mesure « apparaît en l’état de la science comme l’unique moyen » d’éviter les morsures entre porcs.
« L’élevage intensif constitue par lui-même un mauvais traitement aux animaux »
La cour d’appel a estimé que la caudophagie était « une conséquence du choix collectif d’assurer sur le territoire national une importante production de viande de porc dans des quantités propres à garantir la consommation intérieure en recourant à l’élevage intensif. Ce choix n’a pas pris en compte le bien-être animal et (..) l’élevage intensif constitue par lui-même un mauvais traitement aux animaux (..), considéré exclusivement comme une source de matière première industrielle et non comme des êtres sensibles. » Et, elle ajoute « ces conditions d’élevage entraînent une importante souffrance animale qui a pour conséquence que les animaux ne se comportent pas comme ils le feraient en milieu naturel. (..) Ils se livrent en particulier à la caudophagie, phénomène susceptible de survenir quelles que soient les mesures mises en œuvre. » Dans ces conditions, les dispositions de l’arrêté ministériel du 16 janvier 2003 « ne sont pas de nature à interdire au GAEC (..) de mettre en œuvre cette mesure de manière systématique » et l’élevage « démontre suffisamment la nécessité d’infliger le mauvais traitement (..) aux animaux ».
Le Gaec de Roover a donc été relaxé du délit de « mauvais traitements » et les constitutions de parties civiles de l’association L214 et de la SPA ont en conséquence été jugées irrecevables par les juges. En revanche, le Gaec demeure responsable « d’absence de dispositif d’abreuvement opérationnel » et de « placement (..) d’un animal (..) dans un habitat (..) pouvant être cause de souffrance ».