D’abord c’est l’interprofession national porcine Inaporc qui tire la sonnette d’alarme : « Les 10 000 élevages de porcs que compte la France sont dans une situation dramatique. 10 % d’entre eux se dirigent vers une cessation d’activité dans les prochains mois et cette proportion pourrait grimper à 30 % selon certaines estimations. »
Une crise sans précédent, d’une intensité et d’une durée inédites
Inaporc tire le constat d’une une crise sans précédent, d’une intensité et d’une durée inédites : « Les éleveurs n’ont pas atteint leur seuil de rentabilité une seule fois sur les douze derniers mois : une situation historique. » En effet, le prix de l’aliment des porcs poursuit sa hausse vertigineuse et affiche + 25 % en un an alors que, dans le même temps, le prix du porc payé aux éleveurs ne progresse que très lentement. « Le différentiel entre le prix de l’aliment et le prix du porc est négatif depuis un an », fait observer Inaporc.
Un effet ciseaux sur la filière porcine française
Malgré les aides exceptionnelles qu’ils ont perçues, la situation économique des éleveurs de porcs ne cesse de s’assombrir : « Ce soutien exceptionnel visait à compenser une partie de leurs pertes subies au 1er semestre 2022. » Ce dispositif misait sur une reprise des cours dès ce printemps… Làs le prix d’achat du porc est arrivé à un palier depuis la mi‐avril et n’atteint pas le seuil de 2 €. « Désormais, seule une revalorisation rapide des prix payés aux éleveurs pourra limiter les conséquences dramatiques de cet effet ciseaux sur la filière porcine française », estime l’interprofession.
De son côté, le syndicat Frsea Bretagne et sa section JA rappellent que « les éleveurs perdent jusqu’à 40 € par porc du fait de l’explosion des charges combinée à la dramatique stagnation du prix du porc ! »
L’aval pris en étau
Parallèlement, Inaporc se soucie des entreprises de l’aval (abattoirs et entreprises de transformation) qui subissent, elles aussi, une flambée des coûts des intrants (énergie, emballage, main d’œuvre...). : « La Profession est très inquiète sur l’avenir de nombreuses entreprises de l’aval si les prix de vente ne sont pas revalorisés. »
Ainsi les les entreprises françaises de charcuterie traiteur, par la voix de leur fédération FICT, rappèlent qu’elles font face à « une inflation continue sans précédent de tous les coûts de production », sans réussir à répercuter ces hausses auprès de leurs clients distributeurs. La FICT en appelle à « un sursaut de responsabilité des distributeurs pour une conclusion rapide et positive des négociations en cours : la pérennité du secteur et de la filière porcine est en jeu. »
Pour une répartition équilibrée des marges dans la filière
Elle estime que « près de 40 % des entreprises de charcuterie ont des tarifs qui ne permettent plus de couvrir les coûts de production ». Par ailleurs, toujours selon la FICT « plus de 25 % des entreprises risquent d’être contraintes de réduire leurs effectifs en 2022. »
Pour Bernard Vallat, président de la FICT, « au-delà du respect de la charte d’engagement enseignes-fournisseurs signée en avril, la solution pour sauvegarder nos entreprises de charcuterie est une répartition équilibrée des marges dans la filière. Pour cela, nous incitons les distributeurs à réduire leurs marges. En effet, pour la distribution, le rayon charcuterie est le plus rémunérateur des rayons alimentaires suivis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges. »
Les syndicats interrogent la position des OP
Les syndicats bretons Frsea et JA notent que « dans ce contexte conjoncturel très dégradé pour les éleveurs, […] les OP peinent à se parler. Le « collectif » ne se mobilise pas pour avancer sur des questions fondamentales telles que la rémunération des éleveurs et l’équité de paiement entre eux. »
Ils déplorent que « les postures des OP entre elles ne changent pas. De fait, l’AOP peine à se structurer et manque d’ambition pour le cahier des charges commun Le porc français. »
Il s’interrogent : « Allons-nous encore et encore refaire les mêmes erreurs que pour d’autres dossiers qualité, comme Label Rouge et sans OGM où la règle est un abattoir = un prix ? »
Et concluent : « Pour le syndicalisme, c’est tout simplement inadmissible. »
La fin du collectif ?
Frsea Bretagne et JA Bretagne préviennent : « Si vous acceptez cela, vous signez la fin du collectif et vous consentez à ce que vos éleveurs soient payés sans aucune équité.Vous mettez ainsi en péril l’action de nos aînés qui ont réussi à se structurer pour créer le Marché au porc breton, Uniporc, etc. »
Ils terminent en en appelant aux présidents des structures économiques de la filière porcine : « Vous avez le devoir de mettre fin à ce chaos ! » Il estiment que « le « mâle castré » est une démarche qualité à part entière et doit donc permettre la mise en place d’une grille unique de paiement des éleveurs qui supporteront les surcoûts de la castration dans le respect du protocole obligatoire. »
Un sujet largement débattu dans les assemblées générales de groupements qui battent leur plein actuellement…