La stratégie de Cooperl dénoncée par un collectif d’éleveurs adhérents

15 novembre 2021 - Yannick Le Bihan

Dubitatif quant aux stratégies économiques de leur groupement, un collectif d’adhérents Cooperl vient de solliciter ses instances dirigeantes. Ces éleveurs attendent désormais des réponses concrètes face à leurs propositions qui permettraient selon eux, à terme, de redistribuer aux éleveurs jusqu’à 50 millions d’euros par an.

Crédit : Adobe Stock

Un vent de fronde semble souffler dans des élevages d’adhérents Cooperl. Dénonçant certaines orientations stratégiques de la coopérative et une rémunération trop faible de leur production, un collectif a adressé, le 2 novembre dernier, une lettre de revendications adressée à la direction du groupement lamballais. S’estimant rémunérés huit centimes en-dessous du prix du marché, les éleveurs expriment leur malaise et demandent une revalorisation de 10 centimes d’euros par kilo. Cette hausse constituerait une redistribution de 50 millions d’euros par an aux 3 000 adhérents.

Une démarche « constructive et volontariste »

Soucieux d’insuffler un nouvel « esprit coopératif » et d’atténuer le malaise ressenti dans la profession, le collectif d’éleveurs propose donc trois pistes stratégiques devant permettre de trouver des fonds sans mettre en péril la structure économique de la coopérative.
Une première liste de propositions tend vers la restructuration des coûts opérationnels et du plan d’investissements. Le collectif déplore en effet que le groupement ait perdu sa compétitivité et qu’il ne propose pas une juste rémunération de la production ainsi qu’un prix plus bas de l’aliment. Des économies seraient réalisables à hauteur de 20 millions d’euros par an en plafonnant les dépenses à 60 millions d’euros pour développer l’outil industriel. Certains adhérents regrettent aussi de ne pas avoir connaissance de la rentabilité des actions menées par le groupement (réaménagement du service environnement, peinture des nouveaux logos…). Par ailleurs, ils s’interrogent sur l’opportunité des investissements « dans la culture des algues et des solutions de raclage de lisier plutôt que de se concentrer sur l’outil industriel d’abattage et de transformation » et proposent « d’externaliser une grande partie des services de recherche et de développement. »
Du côté des coûts opérationnels, le collectif affirme que 10 millions d’euros pourraient être trouvés en réétudiant la politique de gestion des services et du personnel du groupement. Le nombre de salariés serait trop élevé. Le département informatique est particulièrement visé (les effectifs auraient été multipliés par 10 depuis 15 ans). La construction de nouveaux bureaux et d’un nouveau siège social ne devraient, en outre, pas être une priorité dans le contexte actuel de crise.

Retrouver l’esprit d’une coopérative

Les auteurs des propositions souhaitent également réétudier la politique de distribution des profits. Le collectif d’éleveurs souhaite en effet pouvoir s’exprimer, à l’avenir, sur l’utilisation des dividendes. « La Cooperl reste une entreprise riche, capable de générer des dividendes de 30 à 50 millions d’euros chaque année », affirment les auteurs du courrier. Rappelant que Cooperl a un ADN coopératif, les éleveurs dénoncent une gestion se rapprochant des entreprises du secteur privé en réinvestissant les bénéfices au détriment d’une politique de redistribution en adéquation avec les valeurs de coopération.

Une remise en question de la direction

La dernière piste de réforme se rapproche d’un cahier de doléance demandant la tenue « d’états généraux au sein de la coopérative afin de confier leur tenue à une société indépendante couplée d’une gouvernance co-construite pour permettre aux éleveurs et salariés de dégager les grandes orientations pour les générations actuelles et futures. » En parallèle, le collectif affirme que « la logique hiérarchique définie par les statuts n’est plus respectée. » Le directeur général est directement visé. Selon les termes du courrier, celui-ci « dicte une politique industrielle indépendante des intérêts des éleveurs et se comporte comme s’il était propriétaire de l’entreprise ». Le collectif demande donc que ce poste retrouve sa définition première, à savoir mener les stratégies permettant d’appliquer les décisions prises par le conseil d’administration élu par les éleveurs pour défendre leurs intérêts.  

Si l’ensemble des propositions établies dans le courrier s’apparente aux professions de foi des futurs candidats aux élections, il se conclue par deux demandes fortes, traduisant un profond désarroi des auteurs et un malaise de la profession. Sous peine de voir ses adhérents cesser leur activité ou de rejoindre les groupements concurrents, le collectif appelle Cooperl d’une part « à payer a minima le prix de marché MPB » et, d’autre part, « à ce que le conseil d’administration donne les réponses aux questions soulevées ».

La rédaction de Porcmag a souhaité recueillir la réaction de la direction de Cooperl. La réponse nous est parvenue et elle rapporte : « Comme il est d'usage depuis une trentaine d'années à la Cooperl, le Président et les administrateurs, le Directeur général et les cadres se déplaceront en régions à la rencontre des adhérents à l'occasion des réunions dites « d'hiver » sur une demi-journée pour un échange direct. Ce cycle de réunions (10 au total) démarre dans 15 jours. »

Les prochaines semaines semblent donc placées sous le signe du dialogue ouvert entre les différents acteurs du groupement.

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