300 000 ha de jachères françaises autorisées à la culture
L’arrêté français précisant les modalités de la mobilisation des jachères pour la campagne 2022 vient de paraître au Journal officiel : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045442627.
Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation Julien Denormandie rappelle que la disposition européenne, portée par la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, a fait l’objet d’une décision de la Commission européenne le mercredi 23 mars 2022. Il rappelle le contexte « d’incertitude et de tensions » qui régit cette décision : « Face au défi de la sécurité alimentaire mondiale, décuplé dans le contexte de la guerre en Ukraine, la France engage la mobilisation des surfaces déclarées en jachères pour la campagne PAC 2022. L’invasion russe en Ukraine provoque de fortes tensions sur les marchés de matières premières agricoles et notamment pour les céréales ; la Russie et l’Ukraine représentant à elles seules 30 % des exports mondiaux de blé. »
L’objectif de cette mobilisation des jachères est d’accroître les productions afin de « contribuer à la sécurisation des approvisionnements français et européens, pour l’alimentation humaine et animale, mais également aux équilibres mondiaux notamment pour les pays du pourtour de la Méditerranée et d’Afrique qui sont dépendants des importations de céréales pour leur sécurité alimentaire ».
L’arrêté précise que les agriculteurs peuvent, pour la campagne 2022, sur leur surface déclarée en jachère (hors jachère mellifère) à la PAC :
- conduire une culture de printemps (des protéagineux, des oléagineux, des céréales - hors chanvre industriel, en raison des modalités de contrôle particulières pour cette culture) ;
- cultiver en mobilisant normalement les intrants nécessaires, dans le respect des règles applicables ;
- faucher ou faire pâturer cette surface (y compris dans le cas d’un céréalier, par exemple pour un voisin éleveur).
L’arrêté précise bien que « cette valorisation sera sans conséquence sur le calcul des critères d’éligibilité au paiement vert. Les surfaces resteront comptabilisées en tant que jachère, tant au titre des surfaces d’intérêt écologique que pour la diversification des cultures. »
Mesure de bon sens
La FNSEA a salué cette décision : « C’est une mesure de bon sens en période de forte tension sur les marchés liés aux bouleversements dans le grenier de l’Europe. Il est rassurant de voir que la Commission a réalisé toute l’importance de cette dérogation face au risque de pénurie alimentaire dans de nombreux pays très dépendants d’importations : 27 pays sont dépendants à plus de 50 % des blés russes et ukrainiens, soit 750 millions de personnes en risque de malnutrition ou de famine. »
D’après les chiffres délivrés par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, en France, les surfaces en jachère représentent près de 300 000 ha soit plus de 1 % de la surface agricole utile en France (26,7 millions d’hectares), et presque 2 % de la surface en terres arables.
"La Commission cède aux tenants d'une agriculture productiviste"
Cette possibilité de cultiver les jachères déclarées en surfaces d’intérêt écologique avec maintien des soutiens liés au verdissement inquiète les mouvements écologistes européens.
« Nous devons agir de façon résolue pour notre sécurité alimentaire sans perdre de vue les questions majeures du climat, de l’érosion de la biodiversité et de la qualité de l’alimentation », fait savoir Éric Andrieu, eurodéputé socialiste membre de la commission en charge de l’agriculture au nom du groupe de la Gauche sociale et écologique. Car dans SIE il y a « intérêt écologique ». La mise en culture des jachères et l’aide financière accordée aux éleveurs fait bondir l’association Greenpeace : « L'appétit de l'élevage industriel pour l’alimentation animale et les engrais de synthèse nécessaires à sa production le rendent très vulnérable aux perturbations. La solution consiste à produire mieux et à aider les fermes industrielles à réduire le nombre d'animaux produits au lieu de les rémunérer pour maintenir ce nombre insoutenable. Moins de viande et de produits laitiers industriels, et une production plus écologique, rendraient l'agriculture européenne plus résistante aux chocs imprévus comme ce conflit, ou prévisibles comme le changement climatique. Mais au lieu de cela, l'UE risque de renforcer un modèle qui va droit dans le mur. »
« Les jachères font partie des surfaces d'intérêt écologique jugées nécessaires pour plus de biodiversité et de durabilité des systèmes agricoles européens », rappelle de son côté la Confédération paysanne qui constate : « Une fois encore, la Commission cède aux tenants d'une agricultrice productiviste qui, depuis le début, instrumentalisent la guerre en Ukraine pour pousser leurs pions. Leur « produire plus » se heurte d'ailleurs à une incohérence : produire plus signifie consommer plus d'énergie et plus d'engrais, exactement ce qui manque à l’agriculture productiviste, largement dépendante dans ces deux secteurs.