Equarissage : Cooperl veut faire cavalier seul

28 juin 2021 - Estelle POLETTE DE OLIVEIRA

Sur la table depuis plusieurs mois, le sujet de l’équarrissage vient d’éclater. Alors qu’Inaporc a acté la semaine dernière les Cotisations Volontaires Obligatoires pour la gestion des animaux morts, Cooperl n’entend pas laisser s’évaporer une source de profit pour ses adhérents. Le groupement a alors quitté toutes les instances professionnelles et interpelle le ministre de l’Agriculture.

Cooperl contre tous. C’est en effet ce qui semble se dessiner depuis que le groupement lamballais a décidé, il y a quelques semaines, de quitter la Fédération des industriels charcutiers-traiteurs (Fict) et le syndicat Culture Viande après avoir déjà, en novembre dernier, suspendu ses cotisations à l’interprofession Inaporc. A l’origine de ce désaccord, un seul et même sujet : les projets de Cotisations Volontaires Obligatoires (CVO) discutés depuis plusieurs mois au sein de l'interprofession.
Deux types de CVO co-existeraient : les premières portant sur les cotisations de l'aval (industriels et distributeurs) pour un budget de quatre millions d'euros. Les secondes concernant l'équarrissage, financé à 80% par les distributeurs et à 20% par les éleveurs, pour un budget de 22 millions d'euros.
Après s’être interrogé en février dernier (lire ici) sur la gestion d’ATM (l’association qui collecte les CVO), Cooperl aurait annoncé plus récemment son intention de quitter ATM début 2022.
En parallèle, les débats se sont poursuivis dans l’interprofession. « A ce jour, après plusieurs tentatives, et compte tenu d’une fin de non-recevoir à la discussion par les dirigeants de Cooperl, le Conseil d’Administration d’Inaporc a décidé de garantir le fonctionnement et la répartition des coûts de l’équarrissage en rendant obligatoire, à compter du 1er janvier 2022, les cotisations ATM », explique un communiqué du 24 juin signé conjointement des CRP Bretagne et Pays de la Loire. Et de poursuivre : « Cette décision a été prise au moment où s’ouvrent les négociations du marché de l’équarrissage pour les années à venir. Ces cotisations ont vocation à s’appliquer à tous les éleveurs et aux distributeurs, ces derniers assurant le financement de 80 % du coût total. »

Un appel à la cohésion

Les deux CRP du Grand Ouest déplorent cette situation de « guerre agro-industrielle » et appellent l'ensemble des acteurs de la filière à renouer le dialogue en remettant « sur la table tous les dossiers d’enjeux stratégiques et collectifs », à savoir :

  • une nouvelle feuille de route pour la prochaine mandature à Inaporc qui débutera dans le prolongement de l'Assemblée Générale du 6 juillet 2021 ;
  • un repositionnement des dossiers de l'élevage dans les instances professionnelles gouvernées par les éleveurs. « Une simplification est sans doute nécessaire. Cela peut être permis par la création de l’AOP porc Grand Ouest […]. Les défis sont nombreux : revenus, attractivité des métiers, environnement, climat, bien-être animal, compétitivité, etc… », détaille le communiqué des CRP ;
  • un tour de table associant les représentants professionnels, décideurs politiques, en Régions et au plus haut niveau de l'État, sur la question de l'avenir de l’élevage et de l'industrie du porc à l’Ouest de la France ;
  • un point sur l’avenir de l'équarrissage qui doit permettre, à la fois de protéger l’intérêt supérieur des éleveurs et de la filière pour éviter tous risques sanitaires alors que la PPA menace, la création de valeurs pour les entreprises en capacité de s'investir sur ce dossier et la recherche et le développement concernant les techniques de traitement et de valorisation.

Une réponse tonitruante

Une main tendue que Cooperl ne semble pas vouloir saisir puisque, ce jour, le groupement a fait parvenir une lettre ouverte au Ministre de l’Agriculture (à télécharger ci-dessous) dans laquelle le président et le directeur du groupement lui demandent de ne pas étendre la « contribution volontaire » en une « cotisation volontaire obligatoire », comme le demande Inaporc. Ils somment également le ministre de demander à l’interprofession de « se réformer en profondeur et de faire la transparence sur ses comptes ».
Si cette lettre remet en avant le caractère opaque de la gestion d’Inaporc et d’ATM, elle détaille également la stratégie soutenue par le groupement lamballais :  « Cooperl gérera directement, avec les prestataires habituels, son système d’équarrissage aussi bien pour ses adhérents que pour ses outils industriels », explique la lettre. La dimension sanitaire devrait être maîtrisée par la compartimentation Cooperl prochainement opérationnelle, comme défini par l’OIE. Mais ce sont les enjeux économiques et environnementaux qui motivent avant tout le groupement : « les animaux trouvés morts en ferme sont la propriété des éleveurs et un gisement potentiel de valorisation forte tant sous forme de protéines que de graisse animale. Les bénéfices doivent désormais en être restitués aux agriculteurs français, plutôt qu’à des tiers qui, pour certains, sont à capitaux étrangers. Cette valorisation va revêtir un caractère crucial dans les années à venir, la filière porcine devant au plus vite décarboner sa production. Il serait inéquitable et totalement inacceptable que l’économie carbone liée aux co-produits porcins ne bénéficie pas aux éleveurs français et soit captée par des acteurs qui ne prennent pas le risque de l’élevage. Les sociétés d’équarrissage qui opèrent sur le marché français assureront donc, pour Cooperl, un service de collecte et de traitement des animaux trouvés morts, avec un principe de rétrocession des co-produits qui seront valorisés par la coopérative des éleveurs ».

Le groupement indique également avoir lourdement investi pour prétendre à cette valorisation, en adéquation avec le principe d’économie circulaire comme le sont les autres effluents d’élevage.
Par ailleurs, d’après les acteurs lamballais, « l’initiative et la liberté d’entreprendre que revendique Cooperl ne mettent pas en danger la pérennité du système ATM tel qu’il fonctionne actuellement. »
Visiblement, la co-construction et la cohésion ne semblent pas encore d’actualité dans la filière porc.

 

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