PM : Quel est votre état d’esprit après ces 18 derniers mois très tourmentés ?
Thierry Meyer : Toute l’interprofession reste mobilisée pour pérenniser le mode de production singulier de notre filière et renforcer ses atouts, d’autant plus que nous bénéficions de plusieurs signaux positifs. Dans un contexte où on parle beaucoup de baisse de consommation voire même de "déconsommation", le porc a effectivement confirmé sa place de viande préférée des Français. En 2022, elle enregistre de surcroît une hausse globale de la consommation de 1,8 % en volume, pour un total de 32,1 kg par an et par habitant. Cette augmentation est d’autant plus significative qu’elle englobe à la fois la consommation des ménages et la consommation hors domicile. Avec 10 % de la production européenne, la France se maintient également en troisième position derrière l’Espagne et l’Allemagne.
PM : Comment la filière a-t-elle su tirer son épingle du jeu ?
Thierry Meyer : Notre viande garde une image très positive auprès des consommateurs avec un logo "Le porc français" plébiscité par 97 % d’entre eux. Au niveau du marché intérieur, la viande de porc a également su maintenir une hausse des prix inférieure à l’inflation avec 5,1 % sur un an, contre une moyenne de 7 % sur la viande en général et une augmentation globale de 12 % sur les produits alimentaires. En ce qui concerne les exportations en revanche, la prudence reste de mise car il ne faut pas perdre de vue que l’épisode de fièvre porcine en Chine avait créé des débouchés exceptionnels pour l’Europe en 2020. Par conséquent, le retour à la normale a engendré une surproduction et une chute des cours en 2021. La situation a été très compliquée pour les éleveurs en fin d’année 2021 et début d’année 2022. Les aides de l’état ont aussi permis d’éviter l’arrêt de nombreux élevages alors qu’ils étaient sous le seuil de rentabilité en 2021 et 2022.
PM : Quelles sont vos perspectives ?
Thierry Meyer : À cause du cycle long de la production porcine, les répercutions d’une crise se prolongent sur une année. La baisse de la production et la hausse des importations devraient donc s’accentuer en 2023. La légère érosion de l’autosuffisance française qui est déjà passée de 105 % à 103 % est donc particulièrement prise au sérieux. En effet, 2022 aura été une année charnière qui nous a amené à nous remettre en question. Outre une fluctuation historique des cours du porc et de tous les intrants, c’est la première fois que la filière a dû faire appel à l’aide des pouvoirs publics. Aujourd’hui, les cours sont repartis à la hausse pour les éleveurs mais l’aval de la filière souffre de cette évolution du prix et de l’augmentation des coûts énergétiques. Dans ce contexte, il est important de réfléchir à l’avenir de la filière. Inaporc entame une démarche de responsabilité sociétale : notre objectif est de redéfinir les orientations de la filière afin d’être plus résilients face aux crises et de garantir notre souveraineté alimentaire de manière durable. Nous sommes certes des compétiteurs, mais nous sommes avant tout des gens responsables.