Relations amont-aval : Culture Viande jette de l’huile sur le feu

30 novembre 2020 - Estelle POLETTE DE OLIVEIRA

Le syndicat Culture Viande représentant l’abattage-découpe-préparation a publié le 24 novembre dernier un communiqué dans lequel il dresse un état des lieux de la filière porcine. Après avoir accusé l’amont de tous les maux, il propose implicitement de réunir l’ensemble des maillons pour un travail collectif. La réaction des éleveurs est vive.

« Filière porc : à fond, droit dans le mur ». Voici le titre du communiqué du syndicat Culture Viande1 envoyé le 24 novembre dernier et diffusé sur les réseaux sociaux (A télécharger en bas de cet article). Un intitulé qui donne immédiatement le ton : entre cynisme et affront. S’en suit un état des lieux de la situation actuelle, accusant sans relâche les éleveurs : « l’amont se refuse à regarder sérieusement les réalités du moment : risques sanitaires, bientraitance animale, qualité des viandes… », explique le communiqué non signé laissant penser que l’ensemble des adhérents du syndicat approuvent ces propos. Et de poursuivre « les producteurs et le syndicalisme amont, sont surtout attentifs à la fluidité dans les élevages ; coincés entre un M.P.B. qui ne représente plus grand-chose et des dégagements d’animaux à vil prix… qui reviennent en France en jambon désossé à prix cassés ».

Des méthodes ringardes

Sur le bien-être animal, le syndicat s’insurge qu’environ 1/3 des élevages, d’après lui, ne respecteraient pas les conditions « simplement règlementaires » de bien-être et s’interroge sur les responsables de cette situation. Concernant la biosécurité, les éleveurs et leur groupement sont là encore montrés du doigt : « la biosécurité reste une urgence non reconnue par trop d’éleveurs et insuffisamment imposée par les organisations de producteurs… ».
Mais c’est sans doute sur la qualité de la viande que Culture Viande s’acharne le plus. « 45 ans plus tard, la gamme des poids et ‘’l’équation maigre’’ (FOM-CGM-TVM-TMP) restent les seuls indicateurs d’une grille de plus-value indexée au prix unique du M.P.B. .C’est aussi ringard au vu des technologies actuelles pour mesurer la qualité des viandes que pénalisant pour les bons producteurs (choix génétiques, alimentation, conduite d’élevage…) », précise le document. Et de continuer : « Viandes exsudatives, bicolores, dégénérées, odorantes, à mauvais pH, sont dévalorisées par les salaisonniers et les distributeurs sans que l’abatteur-découpeur en obtienne compensation… sauf à boycotter l’éleveur identifié. Et dire que certains partent en croisade pour faire bonifier le prix du mâle entier… »

Un Grenelle du porc?

Ensuite, après s’en être pris à Inaporc, Culture Viande dénonce l’organisation de l’amont : « Les groupements de producteurs et le syndicalisme amont, structurés tel un mille-feuille et présents à tous les stades de production n’ont pas changé de millénaire ! »
Enfin, après ces propos particulièrement opportuns pour conforter la confiance entre les maillons, le syndicat évoque la nécessité d’un « Grenelle du porc » qui réunirait l’ensemble des acteurs. Mais il présume que personne n’y participera avant que le prix du porc « ne passe sous le seuil de 1 euro/kg ».
Appelé le 26 novembre, le directeur délégué de Culture Viande, Paul Rouche, affirme que les déclarations de ce communiqué ont été « mal interprétées ». « Il ne faut pas y voir une attaque mais plutôt un état des lieux d’une situation à améliorer tous ensemble. On va rentrer dans une période difficile, il faut se protéger », tente-t-il de relativiser.

Du côté de l’amont, François Valy, président de la Fédération Nationale Porcine (FNP) estime que « ces propos sont irrespectueux envers les éleveurs, d’autant plus venant de personnes qui se garantissent toujours une marge sur leurs produits ». « Nous attribuer toute la responsabilité de la situation est un peu facile. Un simple exemple : par le passé, lorsque nous avons souhaité améliorer et moderniser la grille de paiement des porcs, immédiatement se sont les abatteurs qui s’y sont opposés », explique l’éleveur Morbihannais. Et de continuer « depuis longtemps on explique qu’à force de prix bas, un jour, l’abattage risque de manquer de porcs. Il semble qu’ils commencent enfin à redouter ce moment. »

Riposte de La Coopération Agricole

A noter : seulement deux heures après Culture Viande, La Coopération Agricole section porc, envoyait à son tour un communiqué indiquant que « les coopératives de la filière porcine qui représentent 93% de la production française ont décidé de mobiliser les moyens humains pour accompagner leurs éleveurs dans ce nouveau challenge de montée en gamme et de différenciation sur l’échiquier européen : fin décembre 2021 les éleveurs de nos organisations de producteurs seront prêts ».

Si le communiqué de Culture Viande n’est sans doute qu’un moyen tonitruant de montrer que le syndicat accepte enfin de participer aux débats sans pour autant baisser la garde, une chose est sûre, le climat ne semble pas propice au dialogue…

1 : Culture Viande est le syndicat qui fédère les principales entreprises françaises des viandes (abattage-découpe-préparation) du secteur de la viande bovine, ovine et porcine en France. Jean Paul Bigard en est le président et Emmanuel Commault le vise président.

 

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