EGAlim : le ministre veut « relancer la dynamique »
Suite à la réunion du comité de suivi des relations commerciales qui s’est déroulée le 13 octobre dernier faisant état d’un retour limité de la valeur aux producteurs, le ministre de l’Agriculture a présenté, deux jours plus tard, sa feuille de route. Il a également confié à Serge Papin une mission relative à la répartition de la valeur dans les filières agroalimentaires en tant que médiateur et conciliateur.
Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a annoncé le 15 octobre dernier vouloir « relancer la dynamique des États Généraux de l’Alimentation ». D’après le cabinet du ministre, « si la loi EGAlim a su créer un nouvel état d’esprit et permis de rehausser le prix payé au producteur dans certaines filières comme le lait, cette situation doit être amplifiée et les résultats consolidés ».
Pour ce faire, il a détaillé aux représentants de la chaîne alimentaire sa feuille de route. Celle-ci s’articule autour d’un triptyque « confiance, exigence, transparence ». La confiance est celle que l’on doit avoir « dans les acteurs qui proposent des prix solidaires vis-à-vis de l’amont agricole », explique le communiqué. L’exigence concerne l’obtention de résultats. La transparence devra quant à elle s’appliquer dans les actions et les marges de chacun.
Objectif : une meilleure répartition de la valeur
En parallèle, Serge Papin, ex-PDG de Système U (de 2005 à 2018), s’est vu confier une mission relative à la répartition de la valeur dans les filières agroalimentaires. En effet, pendant les États Généraux de l’Alimentation, il avait su mettre en place, en particulier au sein de l’atelier n°5 qu’il présidait, une dynamique pour une meilleure répartition de la valeur le long de la chaîne alimentaire. D’après le communiqué, « il travaillera dans un rôle de médiateur et de conciliateur, à 1) créer un dialogue avec l’ensemble des parties prenantes afin de consolider le consensus autour de la nécessité de mieux rémunérer la chaîne de valeur agricole ; 2) dresser un bilan de la loi et identifier au niveau des négociations commerciales entre les différents maillons, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ; 3) repérer les bonnes pratiques, nationales ou locales et réfléchir à leurs conditions de diffusion et 4) établir des pistes d’amélioration opérationnelles. Il portera une attention particulière à la nature des contrats mis en place, l’utilisation des indicateurs de prix et de coûts de production aujourd’hui définis par la quasi-totalité des interprofessions et la mobilisation de la médiation. »
De plus, pour Julien Denormandie, la formation des organisations de producteurs à la négociation collective doit être un élément pivot pour renforcer leur poids dans les négociations commerciales. Dans le communiqué envoyé par son cabinet, il évoque plusieurs autres mesures qui soutiennent les filières de production dans leur transition agro-écologique. Celle-ci serait selon lui, « un autre levier efficace pour créer de la valeur au bénéfice des producteurs, tout en améliorant l’adéquation offre/demande vis-à-vis des consommateurs ». Il cite par exemple le label « Haute valeur environnementale », la « Prime à la conversion », ou encore le programme « Plantons des haies ». Enfin, il évoque également plusieurs mesures du plan de relance visant à la modernisation des exploitations et la structuration des filières. D’après lui, ces mesures « participent également à la création de valeur le long des filières de production ».
Cette nouvelle feuille de route fait suite à la 4e réunion de 2020 du comité de suivi des relations commerciales qui s’est déroulée le 13 octobre dernier, soit deux jours auparavant. En préambule des premières négociations commerciales 2020-2021, celle-ci avait conclu que « les résultats ne sont pas encore au niveau des attentes en termes de répartition de la valeur.» Le ministre avait rappelé que les outils mis en place lors des EGA, comme la contractualisation sur la base d’indicateurs de référence de prix et de coûts, élaborés par les interprofessions, la hausse du seuil de revente à perte ou encore l’encadrement des promotions, devaient être pleinement exploités. Sur le second point, le Gouvernement a d’ailleurs remis au Parlement le rapport d’évaluation des mesures d’encadrement des promotions et de relèvement du seuil de revente à perte. D’après les experts, ces deux stratégies « n’ont pas eu sur les prix un effet significatif globalement. Par ailleurs, leurs effets sur les revenus des agriculteurs ne pouvant pas encore être évalués, faute de données disponibles, une prolongation de l’expérimentation est souhaitable et peu risquée en termes d’inflation.» Une prolongation jusqu’en 2023 serait donc envisagée.
Des avancées suivies de près pour les syndicats
Toujours le 13 octobre, la FNSEA et les JA avaient fait le même constat : « la loi EGAlim a permis de mettre un terme à la guerre des prix avec une inflation très limitée pour les consommateurs (moins de 1%). […] Pourtant, le retour de la valeur aux producteurs reste très limité ! »
L’Ania (Association nationale des industries agroalimentaires), la Coopération Agricole et l’Ilec (Institut de liaisons et d'études des industries de consommation) avaient quant à eux alerté sur le risque d’une nouvelle année en déflation qui amplifierait la destruction de valeur que subit l’ensemble de la filière depuis huit ans. En effet, selon leur communiqué, « à l’exception de la filière laitière, les deux premières années de l’application de la loi EGAlim n’ont pas vu disparaître la déflation dans les négociations commerciales annuelles entre les fournisseurs et les quatre principales centrales d’achat des distributeurs : -0,4 % en 2019 et -0,1% en 2020. A cette destruction de valeur, s’ajoute désormais un retour de la guerre des prix dans les linéaires ».
De son côté, la Confédération Paysanne demande des actes concrets plutôt que « des appels aux bonnes volontés », à savoir : « une transparence des marges imposée aux acteurs de l'agro-industrie et de la grande distribution ; l'arbitrage public des relations commerciales comme solution au rééquilibrage de la valeur ajoutée ; la régulation des marchés au niveau européen pour permettre la relocalisation et la mise en œuvre de sanctions aux prédateurs de la valeur du travail paysan ».
Alors que les négociations commerciales doivent commencer début novembre, les distributeurs, les seuls visiblement à ne pas s’être exprimés à la suite de ces réunions, semblent être attendus au tournant.