L’expérimentation sur l'étiquetage des modes d’élevage fait débat

27 juillet 2020 - Estelle POLETTE DE OLIVEIRA

L'assemblée plénière du Conseil national de l'alimentation a voté le 8 juillet 2020 l’avis n°85 concernant l’expérimentation d'un étiquetage des modes d'élevage en France. Avec deux scénarii retenus, la Coopération Agricole et l'ensemble des organisations professionnelles, dont Inaporc, étaient contre cet avis. Il a pourtant été adopté.

Avec 25 voix pour, 13 contre et 10 abstentions, l’avis n°85 du Conseil national de l’alimentation (CNA) concernant l’expérimentation d’un étiquetage des modes d’élevage a été validé. Cet avis est le fruit d’un travail de concertation mené de février 2019 à juin 2020 qui a réuni les membres du CNA, les représentants des associations de la protection animale, de la protection de l’environnement, de l’Ordre et des syndicats vétérinaires et des différentes filières pouvant être concernées par un étiquetage du mode d’élevage. Il fait suite aux propositions issues des Etats généraux de l'alimentation.
Les travaux de ce groupe de concertation ont abouti, sans toutefois faire consensus, à proposer une expérimentation s’appuyant sur deux scénarii, chacun porté par des groupes différents.

  • Scénario n°1 : une expérimentation seulement sur les produit sous SiqoLe premier scénario serait limité à l’étiquetage de certains modes d’élevage sur les segments de qualité : cette proposition s’appuie sur les initiatives et engagements découlant des plans de filière. Certains d’entre eux portent notamment le double objectif de réviser les cahiers des charges de certains Siqo (Signes officiels de la qualité et de l'origine), afin d'y intégrer les attentes sociétales et d'augmenter la production sous signes de qualité. Les produits « hors-Siqo » ne seraient pas dans le champ de l'expérimentation. Cette proposition permet également de s’appuyer sur un cahier des charges contrôlé et des pratiques tracées jusqu’au consommateur final.

D'autres pays européens ont déjà mis en place des initiatives d'étiquetage sur le mode d'élevage. L'exemple ici de Beter Leven aux Pays-Bas qui attribue des étoiles en fonction des conditions d'élevage.

La FNSEA, la Coopération Agricole, l’Ania (Association nationale des industries alimentaires), et les interprofessions du lait, de l’œuf, de la volaille de chair, du porc et de la viande bovine ont supporté cette stratégie qui leur semblait cohérente avec les plans de filière. En revanche, les associations de consommateurs, vétérinaires, ONG de protection animale et ONG de protection de l’environnement n’étaient pas favorable à ce scénario n°1, considérant qu’il ne répond pas au mandat du groupe de concertation dans la mesure où il n’intègre pas l’étiquetage de l’ensemble des produits d’une gamme, y compris le conventionnel.

  • Scénario n°2 : une expérimentation sur l’ensemble des produits.Supporté par les ONG et les consommateurs, le second scénario concerne tous les produits d’une même catégorie avec des informations sur les modes d’élevage, s’appuyant sur des référentiels, existants ou non et mobilisant une expertise scientifique spécifique. Il serait nécessaire de définir le référentiel qui aurait permis d'aboutir à un étiquetage simplifié du mode d'élevage. La durée d'une telle expérimentation serait nécessairement plus longue qu’avec le scénario n°1.

La FNSEA, la Coopération Agricole, l’Ania et les interprofessions de chaque filière se sont opposés au maintien du scénario 2 considérant qu’il aurait introduit une distorsion de concurrence entre produits français et produits importés. Par ailleurs, selon eux, « la stratégie européenne « De la ferme à la table » inscrit la création d’un étiquetage européen. Dans ce contexte, la mise en place d’un étiquetage strictement français serait contre-productive ». Ces groupes ont également alerté sur le risque de hiérarchisation entre les modes d’élevages ainsi que le risque pour les productions sous Siqo, qui auraient probablement été concurrencées par des productions avec un étiquetage « mode d’élevage » équivalent mais qui n’apporteraient pas les garanties supplémentaires spécifiques aux différents Siqo concernés (origine géographique, lien au terroir, qualité organoleptique, etc.)

S’il n’a pas fait l’unanimité, ce texte a tout de même été adopté. Reste à savoir maintenant ce que les décideurs publics feront de cet avis. Et s’ils l’utilisent, quel scénario/stratégie serait retenu(e) ?

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