Caudectomie : une problématique consciente mais encore insoluble

27 mai 2022 - Joshua Daguenet

Le 6 avril 2022, une onde de choc pour les uns, un ouf de soulagement pour les autres a accompagné la décision historique du tribunal de Moulins. Accusé de pratiquer la « coupe systématique » des queues de ses porcelets, le GAEC de Roover dans l’Allier, fournisseur de la célèbre marque Herta, s’est vu condamner à 50 000 euros d’amende, dont 25 000 euros avec sursis. L’occasion de relancer un débat agité entre la filière porcine et les associations animalistes autour d’une pratique encore très répandue, faute de solutions alternatives.

Dès 1994, L’Union européenne faisait entrer en vigueur une loi interdisant la coupe de routine de la queue des porcs au sein – alors – de ses 12 pays membres. En 2008, une directive explicitait : « La section partielle de la queue et la réduction des coins [meulage des dents, ndlr] ne peuvent être réalisées sur une base de routine, mais uniquement lorsqu'il existe des preuves que des blessures causées aux mamelles des truies ou aux oreilles ou aux queues d'autres porcs ont eu lieu ».

Alors que l’association partie civile a réagi au verdict du tribunal par une formule accusatrice : « Une infraction tolérée depuis 20 ans et enfin condamnée par la justice », les éleveurs se défendent. Dominique Gautier, récemment nommée à la Présidence de l’association Agriculteurs de Bretagne, a donné son point de vue sur les évolutions à mener tout en expliquant les pratiques testées au sein de son exploitation : « Sur ces sujets, la profession réfléchit et fait des recherches. Sur ma ferme de Kermerrien (22), nous procédons à des essais pour arrêter la caudectomie mais c’est très complexe. Parfois, cela marche, d’autres fois, cela ne marche pas du tout. Et quand le résultat n’est pas probant, on est loin du bien-être animal. Nous ne restons pas sans rien faire et nous sommes conscients de cette problématique. De notre côté, nous sommes parvenus à avancer sur le meulage des dents : aujourd’hui, on ne meule quasiment plus les dents des porcelets sauf si l’on ressent un besoin pour le bien-être de la truie qui peut ne pas supporter les petites dents pointues lors de la tétée. Je pense que dans dix ans, nous aurons encore avancé ».

La France pointée du doigt

Le cas de cet élevage dans l’Allier n’est pas un cas isolé. Ni en France, ni en Europe. Une étude publiée en 2018 dans Porcine Health Management indiquait que 77 % des porcs de l’UE avaient la queue coupée, dont 95 % en France. Un chiffre qui nous a valus en 2020 un rappel à l’ordre de la part de l’instance européenne.

Au sein de l’Union européenne, seules la Finlande et la Suède sont parvenues à abolir cette pratique par l’instauration de règles nationales strictes (lire notre dossier sur Le cas finlandais, dans PM de février 2018). La Norvège et la Suisse, quant à elles, suivent cette tendance avec moins de 5 % de queues coupées au sein des élevages.

Avant de pouvoir mettre en place des solutions concluantes pour abolir la caudectomie, la crainte d’une jurisprudence émanant de cette sanction adressée au GAEC de Roover prend forme. L’avocat de la défense, Pierre Morrier, avait dénoncé au terme du verdict « un signal inquiétant envoyé à l’élevage en général ».

Porcmag - Formules d'abonnement

AU CŒUR DE LA FILIÈRE PORCINE

● La richesse des reportages terrain et des dossiers thématiques
● Les conseils des meilleurs experts en technique et en gestion
● De nombreux retours d'expérience et solutions pratiques

Profitez d'une offre découverte 3 mois