Jean-Jacques Riou : « Nos groupements ne peuvent pas mener une lutte frontale »

8 mars 2021 - Florent HOFMANN

Suite à l’arrêté du 24 février 2020 visant à interdire la castration à vif des porcelets, Jean-Jacques Riou, président de l’association « Pour le Bien-être animal porcin et la non-castration des porcs », n’attend pas les groupements pour trouver des solutions. Il propose que le mâle entier devienne la norme et que la pratique de la castration fasse l’objet d’une dérogation.

Porcmag : Quelle a été votre réaction face à l’arrêté du 24 février ?

Jean-Jacques Riou : Le projet d’arrêté écrit en octobre 2019 m’avait un peu inquiété. On ne sentait pas de mouvement, ni de réaction de la part des membres de la filière. L’arrêté du 24 février a été signé en l’état du projet. L’occasion s’est présentée pour le modifier, mais rien n’a été fait. Je pensais que le texte concernait la castration « totale » mais, finalement, il précise la notion « à vif ». Il permet donc à tous les éleveurs de continuer à castrer en traitant la douleur par anesthésie c’est-à-dire une piqûre dans chaque testicule pour insensibiliser. Nous sommes très remontés. C’est une fausse solution. Les nombreuses études réalisées par l’Ifip, financées par l’Europe et nos cotisations par le biais d’Inaporc, montrent aujourd’hui que, majoritairement, les porcs français n’ont plus besoin d’être castrés.

PM : Pourquoi avoir créé cette association ?

J-J R : Nous n’avons pas réussi à faire passer notre voix par le biais de nos représentants institutionnels. La manière de produire va changer à compter du 1er janvier 2022. Les éleveurs doivent anticiper cette échéance. Les inséminations de septembre 2021 seront effectives en 2022 au moment même où l’arrêté entrera en vigueur. Les éleveurs doivent d’ores et déjà réfléchir à leur schéma génétique, au bon verrat terminal, au bon aliment et à la gestion des bâtiments. Il y a une réflexion à faire pour ne pas se retrouver avec un trop-plein de viande odorante. Il y a urgence. Nous sommes pour que les éleveurs gardent leur métier, pour qu’ils puissent rester dans leur groupement et pour que le système marche à tous les niveaux. Nos groupements sont tellement pressés par les abattoirs qu’ils ne peuvent pas mener une lutte frontale. En revanche, notre association est là pour rappeler l’intérêt des éleveurs.

PM : Quelle solution proposez-vous ?

J-J R : Une convention entre éleveurs, vétérinaires, groupements et abattoirs doit être signée pour que la pratique de la castration fasse l’objet d’une dérogation et que la non-castration devienne la norme. Aujourd’hui, il y a ambiguïté sur le texte de loi. Tout le monde peut continuer de castrer. De nombreuses organisations vont dire qu’elles sont favorables à l’arrêt de la castration, mais elles ne proposent rien pour qu’il soit mis en place.

PM : Vous êtes donc favorable à ce qu’une partie des éleveurs continuent de castrer ?

J-J R : Oui dans le cadre d’une dérogation. Cependant, nous réclamons que toute personne souhaitant poursuivre la castration soit obligée de signer une dérogation auprès de l’État. La castration généralisée ne doit plus être pratiquée en 2022 pour des raisons sociétales, environnementales et de bien-être animal. Nous sommes favorables à ce que les éleveurs continuent de castrer si c’est un besoin, à l’instar des jambons du Sud-Ouest qui nécessitent plus de gras. En revanche, la production « traditionnelle » deporc, qui n’a pas besoin de castrer, doit stopper cette pratique ancestrale.

PM : Quels seraient les avantages du mâle entier pour l’éleveur ?

J-J R : Cela représente une économie de 8 €/porc produit. La castration qui est une opération antiéconomique, anti-sociétale et anti bien- être nous pénalise financièrement. En 2022, étant donné le coût des anesthésiants, cela fera monter l’addition à 10 €/porc produit, ce qui est colossal. Les abattoirs ne nous payeraient pas dix euros de plus, c’est nous qui économiserions dix euros de compétitivité. La France ne peut pas empêcher ceux qui le souhaitent d’économiser cet argent. Les désagréments causés par cette nouvelle norme représenteraient des centimes pour les abattoirs, mais des euros pour les éleveurs. Nous serons forcément plus compétitifs. Actuellement, nous ne le sommes pas assez. Nos élevages ne sont pas repris et ils ont terriblement vieilli.

Propos recueillis le 15/12/20.

L’intégralité de l’interview est à retrouver dans le numéro de Porcmag de Février 2021.

 

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