La ferme de Keraziou et Eureden : Une maîtrise du gabarit dès l'arrivée des cochettes

1 février 2021 - Estelle POLETTE DE OLIVEIRA

Puisque l’obtention de porcelets homogènes à la naissance passe par la satisfaction des besoins des femelles, les éleveurs du Gaec La ferme de Keraziou mettent tout en œuvre pour obtenir un troupeau de truies homogènes. Initiée sur les cochettes, leur méthode de suivi des gabarits ne laisse rien passer et leur permet de réagir vite, avec le soutien de l’équipe Eureden, leur fournisseur d’aliments repro.

De gauche à droite : Jean Yves Boutoux, associés, Yann Guilloux, salarié, Marinette Naudi, salariée, Jean Marcel Urvoy, associé et Benjamin Perennez, technicien Eureden. Absents : Patricia Lecorre, Mathéo Lefaut, Jean Claude Guérry, tous trois salariés et Xavier Blouin, associé.

Mesurer, analyser, adapter. Voici en trois mots comment les éleveurs du Gaec La ferme de Keraziou gèrent la nutrition de leurs truies. Que ce soit au travers de pesées ou de comptages, les fréquentes évaluations réalisées leur permettent de piloter leur troupeau de reproductrices, avec en ligne de mire une optimisation du nombre et de la qualité des porcelets. « Pour obtenir de beaux porcelets homogènes, il faut satisfaire les besoins des femelles et donc bien gérer l’état du troupeau », débute Jean Yves Boutoux, l’un des associés de l’exploitation. Et de poursuivre, « tout commence avant même l’arrivée des cochettes en quarantaine ». Les éleveurs préfèrent effectivement ne pas recevoir les têtes de lot afin de « garder la main sur les gabarits ».

MAÎTRISER LES GMQ

En verraterie, les cochettes sont allotées et identifiées en fonction de leur poids. À noter : lors du flushing, toutes les reproductrices
reçoivent un complément alimentaire distribué deux jours en top feeding, le Istruvit®, afin de préparer au mieux leur ovulation.

Ainsi, trois semaines après l’arrivée des jeunes femelles de 130 et 150 jours d’âge, elles sont pesées une première fois. Le GMQ  de jour de vie est alors calculé. Celui-ci ne doit pas dépasser les 630 g. En fonction du résultat, elles sont réparties en   trois classes de poids. Les doseurs sont alors réglés pour réduire le GMQ à 450 g et obtenir un troupeau homogène. « On    souhaite une croissance faible à cette période pour pouvoir lâcher les chevaux plus tard, lorsque c’est nécessaire », image Jean Yves Boutoux. Après 8 à 11 semaines passées en quarantaine, une deuxième pesée vérifie que l’objectif de poids de 125 kg est  bien atteint. Les 15 cochettes qui doivent intégrer la bande sont ensuite placées dans une case d’adaptation au DAC afin de  débuter l’individualisation de leur alimentation. Elles reçoivent un aliment plus concentré qu’en quarantaine, avec cinq courbes spécifiques (très maigre, maigre, normale, grasse, très grasse) permettant d’atteindre 600 g de GMQ.

145 KG À L’IA

Le jeudi de la semaine IA, Yann Guilloux, salarié, palpe chaque truie pour contrôler la pointe des épaules, la ligne de dos, l’attache de la queue (ressortie ou saillante) et l’état du poil. Si celui-ci est soyeux, cela indique que la reproductrice est déjà en reprise de poids.

Trois semaines plus tard, à l’entrée en verraterie, elles sont pesées une troisième fois et sont allotées pour régler les doseurs. Enfin, elles sont pesées une quatrième fois lors de la semaine d’insémination afin de revoir l’allotement et définir  individuellement, lors de l’entrée en gestante, la modulation de leur courbe à apporter. À cette étape, les éleveurs souhaitent  un poids de 145 kg pour ces jeunes reproductrices. « Ce protocole est certes un peu contraignant mais il est le gage d’une  bonne homogénéité du troupeau, d’un travail facilité pour la suite et de bonnes performances », argumente Jean Yves Boutoux. D’ailleurs, pour la gestion des multipares, c’est la palpation de la pointe des épaules, l’observation de la ligne de dos et de la qualité du poil qui remplacent le passage sur la balance à l’arrivée en verraterie. Cela permet de leur attribuer l’une des deux courbes « maigre » ou « normale ». Elles sont ensuite libérées sept jours après l’insémination afin de revenir au plus vite à une gestion individualisée de leur alimentation.

6 COURBES POUR LES GESTANTES

Lors de l’échographie, un pointage permet de réadapter le niveau d’alimentation des reproductrices en les passant si  nécessaire d’une courbe à l’autre. C’est la semaine suivante qu’une analyse de leur historique de prolificité est prise en  compte : celles qui ont montré 16 ou moins de porcelets nés totaux restent sur les mêmes courbes, celles qui ont donné naissance entre 16 et 18 porcelets passent en courbe « hyper », celles qui en ont eu plus de 18 passent en « hyper + » et enfin, les truies d’un rang supérieur à 6 ont également une courbe qui leur est dédiée. Six plans sont donc disponibles en gestante :primipare, maigre, normale, hyper, hyper+ et rang supérieur à 6. Des points d’étape sont également régulièrement réalisés lors de la gestation pour moduler individuellement les quantités distribuées. Par ailleurs, les six Dac (Aco Funki /Nedap) installés pour le groupe de 365 truies permettent le mélange de deux aliments gestantes de concentrations énergétiques différentes (Gesta Pro Hyper et Gestalin en été ou Gesta Pro en hiver), selon les recommandations de leur fournisseur d’aliments, Eureden. « Ce collage à l’état des truies et à leur prolificité est essentiel. Il assure de tirer tous les bénéfices du potentiel de prolificité des truies », explique Jean Yves Boutoux, satisfait d’afficher 16,81 nés totaux sur les six derniers mois de  sa GTTT (voir tableau).

DES CRITÈRES D’ALERTE

Mais la prolificité évoluant rapidement, surtout ces dernières années, les éleveurs ont également intégré plusieurs critères de suivi afin de repérer les éventuels dérapages. « En plus des indicateurs classiques de GTTT, le nombre de mise-bas avant terme et le nombre de porcelets chétifs, c’est-à-dire pesant moins de 550 g ou de splay leg par portée sont pour nous des critères d’alerte importants à suivre. Dès qu’ils évoluent, nous savons qu’il faut revoir la nutrition des truies », précise Jean Marcel Urvoy, associé du Gaec et spécialiste « chiffres » de l’exploitation. Et de poursuivre : « La qualité des porcelets est primordiale pour nous car c’est un facteur de réussite du passage au zéro antibiotique dès la naissance. De plus nous n’éliminons aucun porcelet et tous sont sevrés sous des truies. Aucune truie adoptive ou sevrage précoce ne sont donc réalisés ici. » Une stratégie
qui ne les freine pas pour accéder à des performances de haut vol. La preuve : ils atteignent les 13,37 porcelets sevrés par portée pour un poids total dépassant les 100 kg.

Pour aller plus loin
Métrologie
Au Gaec la ferme de Keraziou, les Dac sont contrôlés toutes les trois semaines pour vérifier la densité de l’aliment. La même opération est réalisée en quarantaine, à chaque sortie d’animaux.
Santé
Des contrôles sérologiques sont effectués une fois par an afin de vérifier le statut SDRP négatif et la non transmission du virus des truies vers les porcelets. Pour les éleveurs, « c’est un préalable indispensable pour travailler correctement les choix nutritionnels ».

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Equipe nutrition porc Eureden

Un rapprochement des gammes en cours

La nouvelle équipe nutrition porc d’Eureden, avec, de gauche à droite, Alban Berthelot, Thierry Solignac, Anne Durand, Bleuen Lahuec et Paul Carro.

 

Issue du rapprochement entre Triskalia et le Groupe D’aucy, auquel Cecab Coop de Broons appartenait, la coopérative Eureden est née en 2019 avec une mise en commun des moyens d’action et de production depuis janvier 2020. Ainsi, un travail de restructuration des gammes d’aliments et des services proposés est actuellement mené par la nouvelle équipe nutrition  porc. Concernant les travaux réalisés afin d’améliorer l’homogénéité des porcelets à la naissance, pour rappel, l’équipe Cecab Coop de Broons s’est illustrée par la mise en place de l’indicateur Kalinat, un ratio qui synthétise et analyse le poids des nouveau-nés afin d’estimer la capacité des truies à produire des porcelets de qualité (voir Porcmag de juillet-août 2020). Cette démarche a d’ailleurs été récompensée à l’occasion du Grand Prix EU Pig 2020, dans la catégorie « bien-être animal » (voir sur www.porcmag.com). Du côté de Triskalia, les résultats de recherches ont mené les nutritionnistes à faire évoluer au cours du   temps leurs gammes d’aliments pour reproductrices.En effet, en plus d’une refonte des niveaux nutritionnels (énergie et acides aminés) des aliments gestantes et nourrices en fonction de la prolificité des truies, les dernières solutions proposées  intègrent de la phytothérapie ainsi que les traditionnels antioxydants naturels, pré et pro biotiques, extraits de raisin, sélénium et différentes vitamines. Tout a également été mis en oeuvre pour améliorer le confort autour de la mise bas ainsi que  l’appétence des aliments nourrices. Un travail complémentaire sur l’adaptation des plans d’alimentation en gestation adapté à  la prolificité a été développé et mis en place. Par ailleurs, la coopérative proposait également le Fertifeed, un complément    alimentaire oligovitaminé à distribuer dès la dernière semaine de maternité et jusqu’à l’insémination pour augmenter la  prolificité, la qualité de la ponte ovulaire et obtenir une meilleure expression des chaleurs. La nouvelle gamme d’aliments et de  solutions pour reproductrices issue de la fusion des deux approches est attendue pour mi-2021.

 

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