Les crises n’ont pas épargné les ménages ces dernières années. Après la pandémie qui a plongé la planète dans une phase inédite à partir de 2020, le conflit en Ukraine fragilise un peu plus le pouvoir d’achat depuis le printemps 2022, sans perspective de sortie de crise jusqu’à présent.
Invitée par le Comité régional porcin Bretagne qui tenait son assemblée générale à Plérin (22) le 30 juin dernier, Pascale Hébel, directrice du pôle Consommation et entreprises au Crédoc, a analysé l’évolution du comportement et des attentes des consommateurs. La conjoncture pourrait conditionner les futures évolutions puisqu’entre décembre 2021 et décembre 2022, « l’inflation sur l’alimentation devrait atteindre 8,2 % » pour battre un record vieux de 1984.
La moitié des Français ne mangent pas à leur convenance
D’après l’enquête Comportements et consommations alimentaires en France (CCAF) de 2021, 52 % des Français n’arrivent pas à manger toujours ce qu’ils souhaitent et/ou décrètent ne pas avoir assez à manger. En cause principalement, les dépenses de loyer et d’énergie, fait savoir Pascale Hébel. Parmi ces 52 %, 72 % sont des foyers à 3 enfants ou plus. Les étudiants et les ouvriers sont eux aussi particulièrement touchés par ces difficultés (64 %).
Une étude sur le poids des dépenses alimentaires dans les dépenses totales menée par l’INSEE depuis les années 60 établit un net différentiel au sein de la population selon le secteur de travail, le lieu de vie ou encore la tranche d’âge. En 2021, Les agriculteurs ont consacré 21 % de leur budget à l’alimentation ; le taux grimpe à 24 % chez les 75 ans et plus, contre moins de 10 % chez les générations nées entre 1977 et 1986 et entre 1987 et 1996. « C’est par contrainte, pas par choix, souligne Pascale Hébel qui poursuit : ces générations effectuent plus de dépenses liées à la communication car les technologies sont aujourd’hui importantes pour trouver du travail ».
La part du budget consacré à la viande divisée par deux en 60 ans
La part du budget consacrée à la viande parmi les achats pour le domicile a chuté de 7,1 à 3,1 % entre 1960 et 2018, toujours d’après l’INSEE. La part des dépenses consacrées à l’achat de porc sur l’ensemble des dépenses de viande demeure stable à 7 % durant cette même période. Les plats préparés ont profité d’un bond dans les années 90 pour s’établir également à 7 %.
Pascale Hébel explique : « Pour des questions de contraintes liées au pouvoir d’achat et pour réduire le gaspillage[1], on a assisté à un rééquilibrage animal – végétal dans l’alimentaire ». La directrice du département Consommation du Crédoc prévoit une durabilité de ce phénomène de végétalisation dans les habitudes alimentaires puisque les nouvelles générations tiennent en haute estime l’environnement, en reliant la bonne santé de la planète à une baisse de la consommation de produits animaux.
En conclusion, « l’alimentation est de moins en moins variée », constate Pascale Hébel, avec « moins de viande mais plus de pâtes, riz, semoule et légumineuses ».
[1] Une étude menée en 2016 par l’ADEME avec la participation des ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie, l’INRAE et la FNE, a établi que les produits animaux représentent 54 % de la valeur théorique commerciale de l'ensemble des gaspillages alimentaires.