Un cours du porc élevé comme nouvelle normalité

14 septembre 2022 - Joshua Daguenet

À l'occasion de la première Matinale de l'Ifip, qui se tenait mardi dès l'ouverture du Space 2022, Mathilde Le Boulch et Elisa Husson, ingénieures d'études à l'Ifip, ont présenté les perspectives du marché du porc et celui des matières premières, dans un contexte sanitaire, climatique et géopolitique défavorable.

La filière porcine reste plongée dans l'incertitude, bouleversée par « une double crise sanitaire, la FPA et la Covid-19, la guerre en Ukraine et la sécheresse, manifestation de la crise climatique », comme l'énumère Elisa Husson, ingénieure d'études à l'Ifip. « L'anticipation pour les éleveurs et les analystes devient difficile. » Le cours du porc, bien qu'en hausse ces derniers mois, souffre d'une « extrême volatilité ».

Le contexte géopolitique avec l'offensive russe a, certes, fortement impacté la dynamique des échanges, mais comme le rappelle Paul Auffray, président de l'Ifip, « depuis quelques années, on assiste au détricotage de la politique européenne qui, avant, nous protégeait. La libéralisation des échanges a eu des effets économiques sur le marché des matières premières et sur le marché porcin ». Les tensions ne datent pas de février dernier et le contexte ne fait que renforcer le flou autour de la filière.

Dans un environnement inflationniste « sur tous les postes de dépense », précise Elisa Husson, ingénieure d'études à l'Ifip, la période d'incertitude ravive les craintes. La saison estivale a vu une reprise du cours à l'échelle européenne après un recul intense de l'offre allemande en début d'année. Mais l'Union européenne a enregistré une baisse des abattages de 3,1 % au premier semestre 2022 par rapport au premier semestre 2021. La baisse de l'offre européenne est estimée à - 3 % pour l'ensemble de l'année 2022.

Elisa Husson souligne néanmoins « la résilience »  du marché français : « Historiquement, le marché français absorbe mieux les chocs que ses voisins européens ». Les plans soutien mis en place par le gouvernement ou encore les actions stratégiques du label Le Porc Français ont permis de soutenir les éleveurs et la consommation.

Les ménages, eux, « sont sous pression », victimes d'un pic d'inflation inédit depuis 1985 et une hausse des dépenses subies sur l'énergie, la mobilité et le logement. « Sur les achats domicile, on note un recul des quantités de porc achetées mais un maintien du nombre d'acheteurs ainsi que de la fréquence d'achat, précise l'ingénieure. Les hard discounteurs gagnent en parts de marché. »

Si le marché du porc en France est résilient, que la filière porcine tente de s'adapter au contexte, Elisa Husson pointe une inquiétude : « Les tendances lourdes se confirment ».

Paul Auffray, président de l'IFIP, a inauguré les matinales IFIP aux côtés d'Elisa Husson (à gauche) et Mathilde Le Boulch (au centre)

« Le marché mondialisé entraîne une augmentation générale des prix »

Parmi ces tendances lourdes, le prix de l'aliment. Mathilde Le Boulch, ingénieure d'études à l'Ifip, a rappelé que la hausse du prix des céréales et des oléagineux remontait à l'automne 2020. «  Le marché mondialisé entraîne une augmentation générale des prix. La parité monétaire et l'inflation ont des conséquences sur la croissance et la reprise économique. »

L'aliment Ifip a entamé sa hausse il y a une dizaine d'années passant de 240 € / t en 2012 à 395 € / t en juin / juillet 2022. Mathilde Le Boulch nuance toutefois : « La flambée est moins forte que pour les matières premières. Les fabricants jouent un rôle tampon et on peut envisager une décélération de la hausse du prix de l'aliment pour tendre vers un plateau ».

L'été a apporté son lot d'évolutions, comme l'indique la spécialiste : « la reprise des exportations depuis la Mer Noire, les bonnes récoltes de céréales en Ukraine sont des signes encourageants ». La diminution de la demande en maïs, due à la grippe aviaire, est aussi favorable à la filière porcine.

Privilégier les marchés à terme

« Ces périodes d'incertitude vont entraîner une nouvelle normalité avec un cours du porc haut », affirme Mathilde Le Boulch qui conditionne la détente du marché des matières premières à la poursuite des exportations depuis la Mer Noire, aux bonnes récoltes de maïs dans l'hémisphère sud mais aussi à la non création de stocks nationaux de sécurité. Elle redoute, en revanche, une hausse des tensions entre la Chine et les États-Unis sur le sujet Taïwan, et la hausse des coûts de l'énergie tout en rappelant que la politique russe serait déterminante quant à la suite des événements.

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