Comment lutter contre les mycotoxines, les déceler, les rendre inoffensives voire tout simplement les éliminer ? Découvertes en Turquie et au Royaume-Uni dans les années 60 mais présentes en réalité depuis plusieurs siècles, elles contaminent 50 à 80 % des matières premières et sont difficilement identifiables encore aujourd’hui.
Aujourd’hui, 6 familles de mycotoxines sont bien connues, à la fois sur le plan biologique et pour leurs impacts sur les animaux, « mais il en existe beaucoup plus », prévient Anneliese Mueller, chef produit chez DSM. Parmi les mycotoxines les plus répandues, on retrouve le déoxynivalénol (DON), la zéaralénone (ZEA) ou encore les fumonisines. « Elles peuvent-être produites par plusieurs champignons, mais un champignon peut aussi produire plusieurs mycotoxines ». Une étude menée par l’Université du Michigan en 2016 établissait que le changement climatique pourrait causer chaque année aux USA, une perte de 1,6 milliard d’euros sur le maïs par la seule contamination par les aflatoxines, lesquelles s’attaquent aussi au blé, à l’orge, au soja et au sorgho. Un montant trente fois supérieur à celui d’aujourd’hui.
Prédire
Différents outils d’analyse sont proposés par DSM - qui a racheté BIOMIN le 1er Janvier 2022 : « Les mycotoxines ne sont pas réparties de manière homogène, il faut réaliser un multi-échantillonnage pour obtenir un échantillon moyen représentatif », alerte Anneliese Mueller. Parmi les outils d’analyse des mycotoxines : Spectrum 380, développé par Biomin et qui offre par exemple plus de garanties que la méthode immunologique ELISA : « ELISA est rapide et peu chère mais elle ne fonctionne pas sur les produits finis, uniquement sur les matières premières » rapporte la spécialiste : « Spectrum 380 est une technologie associant chromatographie et spectrométrie de masse. Elle est plus complète, réservée à la recherche. Elle ne constitue pas une analyse de routine ». Spectrum 380, lancé en 2021, peut en effet détecter jusqu’à 700 mycotoxines et métabolites fongiques.
Depuis 2020, l’outil Mycotoxin Prediction Tool est capable de prédire le niveau de contamination en DON et zéaralénone sur le blé et en DON, zéaralénone, fumonisines et aflatoxines sur le maïs grâce à des algorithmes sophistiqués eux-mêmes basés sur une quinzaine de critères. Les mycotoxines étant « invisibles, inodores et sans goût, il faut choisir la bonne méthode pour obtenir des résultats fiables ». En France, un bulletin de prédiction est actualisé toutes les deux semaines, par département et par céréale. L’envoi de ces bulletins, à destination des éleveurs, fabricants d’aliments ou nutritionnistes, est géré par DSM sur demande auprès de l’équipe DSM France. L’outil répertorie trois niveaux d’alerte : risque de présence faible, modéré ou élevé de mycotoxines.
La prévention a beau représenter une solution durable contre les mycotoxines, elle ne peut garantir la protection des céréales. La décontamination pendant la fabrication d’aliments destinés aux animaux nécessite, quant à elle, d’importants investissements financiers et est chronophage. Ainsi, « la détoxification pendant la digestion apparaît comme la méthode la plus adaptée » assure Anneliese Mueller.
DSM présente trois volets pour appréhender cette problématique sanitaire : l’adsorption, la biotransformation et la bioprotection. Les minéraux adsorbants sont particulièrement efficaces sur les aflatoxines (90 % d’élimination) et les alcaloïdes de l’ergot. Leur efficacité est moindre sur la ZEN (20 à 40 %) et quasi nulle sur le DON.
Sur le volet de la biotransformation, le centre de recherche Biomin basé à Tulln (Autriche) associe les travaux de huit équipes spécialisées. À l’intérieur de ses murs, des tests minutieux sont réalisés sur les enzymes destinées à détoxifier les mycotoxines. « Pour la découverte de nouvelles enzymes, 50 000 enzymes sont sélectionnées pour les tests mais il n’en restera qu’une », indique Wulf-Dieter Moll, responsable du pôle Biologie moléculaire au centre de Tulln. Les enzymes sélectionnées individuellement forment ensuite une combinaison unique et brevetée transformant les mycotoxines en métabolites non toxiques et sans danger pour l'environnement, de manière spécifique et irréversible.
La bioprotection, à l’aide d’ingrédients naturels – plantes et algues –, stimule le foie et la fonction immunitaire des animaux pour mieux supporter les impacts des mycotoxines. Elle permet l’élimination des trichothécènes (famille à laquelle appartient le DON), de la zéaralénone et des fumonisines.
Actuellement, l’Union européenne n’a validé que trois actifs pour leur activité anti-mycotoxine en filière porcine : la Bentonite (agissant par adsorption), la BBSH 797 (micro-organisme produisant une enzyme de biotransformation des trichothècènes) et la FUMzyme 32159 (enzyme purifiée de biotransformation de fumonisines). La gamme Mycofix 5.E pour porc et volaille est une synergie des trois volets : adsorption, biotransformation et bioprotection. Intégrant la BBSH 797 et la FUMzyme, elle est à mélanger directement dans l’aliment avec un dosage de 0,5 à 2 kg/t d’aliment fini selon le niveau de contamination.
Agir à temps
« La gestion des mycotoxines est une problématique établie, mais encore sous-estimée » déplore Anneliese Mueller qui alerte sur « les erreurs d’échantillonnage et les erreurs d’interprétation des résultats d’analyses » pourtant coûteuses. Le centre d’analyses ROMER Labs (groupe DSM) situé à Tulln analyse 100 000 échantillons chaque année. Ces derniers proviennent du monde entier, envoyés directement par les clients de DSM utilisateurs de Mycofix, ou par les équipes techniques locales DSM. En parallèle des tests, le vétérinaire Fernando Lima préconise « d’optimiser l’application des solutions aux stades les plus sensibles ».
Mycotoxines, mycotoxines émergentes et endotoxines sont loin d’être éradiquées. Alors que plus d’un millier de mycotoxines ont été identifiées jusqu’à aujourd’hui, tous leurs effets néfastes ne sont pas encore connus. Particulièrement toxiques quand elles sont associées à d’autres mycotoxines, résistantes à la chaleur, le meilleur moyen de lutter est de privilégier la prévention (en intégrant une solution anti-mycotoxine à l’aliment à dose filée en continu) plutôt que de soigner le mal.
Des alliées aux mycotoxines